le placard mortuaire, l’ancêtre du faire-part

Comment annonçait-on la mort avant ?

« Si nous ne voyons de nos jours que la banale bordure noire, nos pères ornaient, et parfois magnifiquement, l’avis de l’entrée dans l’éternité de quelque membre de la famille. »

Louis Esquieu

Détail du placard mortuaire de Levieux, seigneur de la Motte d’Esgry (1667)

Quand on parle de papeterie funéraire, on pense souvent à ces fameuses bordures noires encadrant les faire-part - et qui semblent déjà bien ennuyer Louis Esquieu lorsqu’il écrit en 1904 son recueil sur Les Placards Mortuaires. Un code graphique toujours utilisé aujourd’hui sans qu’on ne sache vraiment pourquoi - si ce n’est qu’il est signe de deuil.

Mais le faire-part de décès n’est pas né tel quel. Pour des questions économiques (ou de « mauvais goût » selon Louis) c’est un art funéraire et populaire qui a beaucoup évolué avec le temps.

« réveillez-vous gens qui dormez, priez Dieu pour les trépassés ! »

Apparus en France au Moyen-Âge - à partir du XIIe siècle - les premiers faire-part de mort étaient vivants : on les appelait les « clocheteurs des morts » ou encore « crieurs/recommandeurs des trépassés ». Leurs rôles étaient de passer dans les rues, clochette au poing, pour annoncer les décès du jour en criant le nom du défunt, recommander à la prière l’âme du trépassé et inviter les fidèles à ses obsèques.

Mais l’arrivée de l’imprimerie a quelque peu modifié la coutume en remplaçant les crieurs par des « placards mortuaires » qui étaient affichés sur les portes des maisons mortuaires, cimetières et églises.

Placard mortuaire rennais (1750)

Ces billets d’enterrement grand format (40x50cm) sont apparus en France depuis au moins 1634. Mais c’est vers 1680 qu’ils ont pris une dimension plus artistique. Gravées dans le bois, des illustrations venaient encadrer le texte dont la première lettre (V, pour la formule « vous êtes priés ») était elle aussi ornée d’attributs funéraires. Larmes, crânes, fémurs croisés et squelettes s’entremêlaient pour créer un univers macabre et solennel en même temps.

Au fil du temps et de l’évolution des mœurs, cet encadrement symbolique prit des dimensions plus romantiques.

Des figures ailées prirent la place de la camarde et de son masque grimaçant, les fémurs devinrent des torches et les larmes des sabliers ailés. Des symboles non plus axés vers la finitude mais vers la vie éternelle et la renaissance de l’âme.

Détail du placard mortuaire de Marguerite Convers (1709)

C’est vers la fin du XIXe que les formats commencent à se réduire et les designs à se simplifier au profit de cette bordure noire qu’on connait encore aujourd’hui.

Pour qu’enfin « la majestueuse feuille [tende] à disparaître devant le vulgaire prospectus ». Louis Esquieu serait bien triste de voir que même le papier a fini par disparaître face à l’évolution des mœurs et l’émergence du numérique - rendant ainsi la papeterie funéraire et son art obsolètes.

Mais peut-être est-ce l’occasion de créer de nouvelles alternatives, et ainsi ramener un peu de cet art oublié dans la mort ?




 

“ Mais Monsieur, jusqu’ici les billets nécessaires
Pour inviter le monde aux convois mortuaires
Ont été si mal fait qu’on souffrait à les voir ;
Et pour le bien public j’ai tâché d’y pourvoir.

J’ai fait graver exprès, avec des soins extrêmes,
De petits ornements, de devises, d’emblêmes,
Pour égayer la vue et servir d’agréments
Aux billets destinés pour les enterrements.

Vous jugez bien Monsieur, qu’embellis de la sorte,
Ils feront plus honneur à la personne morte ;
Et que les curieux, amateurs des Beaux-Arts,
Au convoi de son corps viendront de toutes parts. “

extrait de la comédie LE MERCURE GALANT (1683)

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pourquoi annoncer la mort aujourd’hui ?